David Djaïz, né en 1990, est haut fonctionnaire (énarque) et enseigne à Sciences Po. A travers son ouvrage «slow democratie », il s'interroge sur notre société malmenée par la mondialisation et surtout son accélération permanente. Il l’explique bien dans un Interview à France 3 : "Dans les années 90, il y a eu une rébellion contre l'impérialisme des fast-foods, cette nourriture industrielle venue avec la mondialisation en Italie qui était le pays d'Europe où il y avait le plus de chaînes de fast-foods. La slow démocratie, c'est la même chose. Le point de départ, c'est de dire que les 40 dernières années qui viennent de s'écouler ont été marquées par la mondialisation, ont imposé un rythme d'accélérations permanentes avec la finance et les nouvelles technologies qui fait que nous avons l'impression que notre vie nous échappe et que collectivement notre destin nous échappe".
Le plus gros du livre est consacré à un récit de cette accélération qui a conduit à ce que « le divorce du capitalisme et de la démocratie est aujourd’hui consommé, sur fond de crise environnementale »
Ce récit est articulé autour de 3 grands temps :
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A partir de 1979, le développement d’un ordre libéral non démocratique
A partir de 1979, avec entre autres l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, alors que les échanges mondiaux et la dérégulation des marchés ne cessaient de croître, les États se voyaient dépossédés de certaines de leurs prérogatives aux profits d’institutions internationales non élues.
L’ hypermondialisation qui a aboli les frontières et vu se développer des entreprises plus puissantes que certains états, a entraîné une perte de pouvoirs des parlements et un déficit démocratique. D’où une montée des réactions populistes qui s’est traduit dans les urnes : «De 1998 à 2018, le nombre de citoyens européens dont le gouvernement contient au moins un ministre national-populiste est passé de 12,5 à 170,2 millions » nous rappelle l’auteur.
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A partir de 1989, la sécession des élites
Depuis les années 1990, les inégalités de patrimoine et de revenu au sein des vieux pays industrialisés ont explosé, entraînant la sécession des élites. Ces dernières ont de plus développé des stratégies d’évitement, type évasion fiscale, qui ont malmené la solidarité entre territoires et entre nations. «Pendant que les perdants de la mondialisation se cramponnent à un état affaibli, les gagnants prennent le large » et de toutes façons « ils ont de moins en moins besoin de nation».
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A partir de 2008, l’échappée des régions riches
La sécession des élites s’est accompagnée de la montée des égoïsmes territoriaux, les régions les plus riches et les métropoles en développement ne souhaitant plus partager les richesses avec les territoires les plus démunis. Avec une exception française ou la redistribution sociale permet que les disparités de revenus soient très limitées entre régions (Voir sur ce sujet Laurent Davezies, « l’Etat à toujours soutenu ses territoires» – 2021)
L’auteur propose un « new deal territorial » : L’activation d’une véritable politique du territoire qui cherche à rehausser les activités sédentaires, à étendre le domaine des biens communs et à jeter des ponts entre les nomades et les sédentaires constitue en définitive le complément parfait des politiques de redistribution sociale et de solidarité territoriale que conduit l’Etat nation
L’ouvrage se termine par un plaidoyer pour le retour à une nation forte, qui reste le levier le plus efficace pour ne plus être les témoins impuissants des dérèglements en cours : «La réhabilitation des nations démocratiques dans la mondialisation, l’aménagement d'îlots de décélération face à l’accélération et à l’extension sans limite du domaine de la marchandise».
Et nous prévient l’auteur, « Si nous la laissons se défaire complètement, nous verrons deux formes archaïques la remplacer : les Empires avec leur force de commandement verticale et absolue, démultipliée cette fois par la technologie la plus moderne et les tribus avec leurs solidarités incandescentes, dopées par le retour au fanatisme religieux».
David Djaiz, Allary Editions