Mansoor Khan, Editions Ecosocièté 2022
Après des études technologiques en Inde et aux États-Unis, Mansoor Khan a été réalisateur et producteur du cinéma Bollywood. En 2005, il effectue un nouveau virage pour se tourner vers la terre, à la recherche d’une plus grande autonomie. Il créé ainsi une ferme biologique Acres Wild . En parallèle, il commence à étayer son discours sur la sobriété et sur la « troisième courbe » qu’il a formalisé dans « The third curve » paru en 2013 et qui vient d’être publié en français.
Le livre de Mansoor Khan n’apporte pas de données qui ne soient pas déjà connues par les personnes qui s’informent régulièrement. En résumé, il nous dit que la croissance exponentielle (la première courbe) dans un monde fini (traduit par le deuxième courbe, celle du Peak Oil ), ce n’est pas soutenable. Nous devons rapidement faire évoluer notre fonctionnement vers une troisième courbe, celle de la sobriété énergétique. Quel que soit votre niveau d’acculturation, il est très plaisant de lire cet ouvrage car Mansoor Khan a une capacité pédagogique rare.
D’abord il utilise des images très parlantes/évocatrices « Si votre entraîneur de course à pied vous disait que vous allez améliorer de 10% vos performances chaque année, vous auriez raison d’émettre quelques doutes : on ne peut pas progresser indéfiniment. C’est pourtant ce que nous font croire gouvernements et économistes quand ils nous parlent de la croissance économique ».
Ensuite, son discours est très clair sans circonvolutions : « Oui le pétrole nous a permis de nourrir les idées les plus audacieuses, inutiles, complaisantes et même autodestructrices et de les transformer en réalité. Cette réalité a conduit le monde civilisé à croire que tout cela était dû à notre intelligence supérieure en tant qu’espèce et en tant que culture ». Enfin, le livre est fortement enrichi par une multitude de courbes et de schémas.
Les principales idées développées :
– L’esprit de l’homme a créé un concept, l’argent qui doit toujours rapporter plus d’argent, d’où la croissance exponentielle. Avec la croissance de la richesse monétaire comme ultime objectif, nous exploitons toutes sortes de ressources terrestres pour les
transformer à travers notre système industriel destructeur et convertir cela en capital financier.
– Par contre notre corps nous rappelle les limites auxquelles nous buterons inévitablement, à l’image des ressources de la planète que nous ne pouvons exploiter à l’infini. Parmi les limites physiques, la plus marquante est le pic pétrolier que nous n’arrivons pas à admettre car « cette prise de conscience équivaut à tirer une balle dans la tête du paradigme économique qui est le nôtre depuis l’invention de l’argent. Les bases même de l’économie classique s’effondrent ».
– Les énergies alternatives ne sont pas la solution car « elles offrent toutes moins d’énergie et ne fonctionnent pas comme nous en avons l’habitude dans notre monde moderne ». Un chapitre entier est consacré à déconstruire de fausses idées sur ces énergies alternatives, chapitre dont la conclusion est claire : « Oui la croissance est morte avec l’avènement du pic pétrolier et aucune combinaison d’énergies alternatives ne peut empêcher cela ». Alors quelle est la troisième courbe ? Il s’agit « tout simplement » « d'aller vers une courbe qui respecte les limites de la nature », à commencer par n’utiliser que la quantité d’énergie que peut fournir la terre de manière renouvelable. « La question n’est pas de savoir combien d’énergie nous pouvons trouver et brûler pour obtenir une illusion de succès et de progrès, mais plutôt à combien nous devons nous limiter ». Il s’agit bien de la voie de la sobriété. Mansoor Khan ne donne pas de solution miracle, mais des principes à suivre pour que la transition post pétrole ne soit pas un effondrement abrupt et chaotique :
– Rechercher la stabilité et non pas la croissance,
– Penser petit et local au lieu de penser grand et mondial,
– Partager et coopérer plutôt que de se livrer à une concurrence incessante,
– Promouvoir la résilience au lieu de l’efficacité, qui a pour seule finalité d’augmenter une productivité compulsive.
En conclusion, l’auteur nous rappelle que « L’énergétique est la vraie loi de l’univers, ce n’est pas l’économie. Soit nous nous alignons sur cette réalité, soit nous serons appelés à commettre des erreurs très douloureuses (qui se produisent déjà). La réalité n’accepte pas les compromis ».