« Désormais, à l’échelle d’une génération, la carte du monde pourrait devenir méconnaissable. » Les auteurs de cet ouvrage sont convaincus que notre civilisation thermo industrielle est au bord de l’effondrement et qu’il va se produire ce que les permaculteurs appellent « la grande descente énergétique ». Leur autre postulat est qu’il n’y a pas de solution technique miracle mais seulement des solutions pour « vivre avec » le mieux possible.
Dans ce contexte, ils nous proposent une démarche positive qui est de faire confiance à l’extraordinaire capacité de résilience des individus et des communautés pour se préparer à une situation inédite. L’ouvrage est construit autour de 4 manières d’appréhender la résilience : quelle pourrait être notre vision commune de la résilience ? Comment la confronter aux enjeux globaux ? Comment la faire vivre à l’échelle locale ? Et enfin comment développer la perspective individuelle ?
En effet, la résilience est la somme de la résilience globale de la société, de la résilience locale des bio régions qui la composent et des résiliences intérieures des individus qui y habitent.
Une vision commune de la résilience, c’est définir ensemble ce que nous jugeons collectivement indispensables à notre survie et la façon dont nous allouons nos ressources. Cela suppose de remettre en question fortement les relations de pouvoir, se pencher sur les questions d’inégalité et de justice sociale, et regarder en face les enjeux d’accès aux ressources.
Comment mettre en place résilience à l’échelle globale ? C’est la Reine Rouge, dans Alice au pays des merveilles qui constatait « Il faut courir le plus vite possible pour rester sur place » . Cela ressemble beaucoup à la situation actuelle, ou pour résoudre les problèmes que nous rencontrons, nous accroissons la complexité de notre fonctionnement économique, social et politique, augmentant par là même nos besoins énergétiques. Tout au contraire, la résilience au niveau global, c’est réduire la complexité et l’interdépendance des systèmes sociaux techniques, simplifier nos modes de vie et aller vers les low tech …C’est ce que décrit le deuxième chapitre de l’ouvrage
Le 3e chapitre est consacré au sujet de la résilience locale. Il s’agit d’appliquer aux territoires un nouveau design (à la fois une conception et un dessein) selon la grille de lecture de la résilience : polyvalence, développement des échanges transversaux, décloisonnement des relations redondance et diversité ..Et cela concerne, l’agriculture, l’énergie, le logement..L’enjeu est clairement pour les territoires et ses habitants de retrouver capacité d’agir, pour mieux résister à des chocs, s’adapter et se transformer.
Dans le dernier chapitre, les auteurs abordent l’aspect très personnel de la résilience. Notre planète dispose de ressources limitées. Elle n’est pas la seule : notre corps et notre résistance morale aussi. Face à des perspectives anxiogènes, il faut toutefois éviter le déni, car celui-ci empêche le processus de résilience personnelle de se déployer. Il faut au contraire accueillir les émotions, partager avec les autres, entamer un processus de deuil (d’autant plus facile qu’il y a rétablissement d’un sentiment de justice et d’ordre social) , se reconnecter avec la nature et aux autres, et s’imaginer un avenir désirable.
Un petit ouvrage stimulant qui nous montre bien que la résilience au changement qui s’annonce ne tient pas à des ajustements technologiques mais une véritable transformation, tant pratique qu’intérieure
A.SINAÏ, R.STEVENS, H.CARTON, P.SERVIGNE, Editions Charles Léopold Mayer, 2015