Réconcilier Nature et liberté
Gaspard Koenig, Editions de l’Observatoire / Humensis, 2024
Gaspard Koenig est un philosophe de terrain qui n’a pas hésité à traverser une partie de l’Europe dans un voyage de 5 mois à cheval en 2020, ou se présenter en 2022 à l’élection présidentielle. Pour écrire Agro Philosophie, il s’inspire de son expérience de « cultiver son jardin », en l’occurrence un hectare en Normandie. Entrecroisant références philosophiques, découvertes botaniques et réflexions politiques, Gaspard Koenig « propose donc au lecteur de traverser, en compagnie des philosophes et des agronomes, les quatre espaces possibles où cultiver son jardin : le verger, le potager, la friche et le jardin d’agrément ».
L’ouvrage est organisé autour de 10 chapitres autonomes, chacun faisant référence à un élément du jardin et à un philosophe. On va donc ainsi du poirier de Saint Augustin à l’humus de Elysée Reclus, en passant par les oliviers de Thales ou la forêt de Kant. Chaque chapitre est l’occasion d’une réflexion philosophique dont l’auteur tire des conclusions politiques : les pommes de John Locke l’amènent à repenser le droit de propriété, les oliviers de Thalès, à un marché non croissant, les anémones de Georges Sand à l’éco féminisme…
On voit se dessiner par petites touches l’agro philosophie de l’auteur qu’il décline en 10 principes dans un chapitre conclusif. Toujours intéressé à l’applicabilité pratique de sa philosophie, l’auteur se pose la question du chemin politique. « La vaste révolution agronomique et politique qui nous attend doit commencer très concrètement par la reconstitution des sols, donc par la transition agro écologique ».
Tout en nous rappelant que dans ECOTOPIA (voir chronique), Ernest Callenbach avait imaginé en 1970 une telle révolution, l’auteur se dit pessimiste sur la possibilité de la faire dans le cadre démocratique actuel. « Il faut peut-être accueillir la décadence pour qu’une nouvelle ère puisse advenir en un processus politique de décomposition et de régénération finalement conforme à la logique de l’humus ». En conclusion, il nous encourage tous à « cultiver notre jardin », car si à titre individuel l’action sur les émissions carbones peut être difficile, nous pouvons tous avoir une action sur la biodiversité.
Un bonheur de lecture qui permet de découvrir plusieurs philosophes de manière très originale et une philosophie ancrée dans le sol.