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NOURRIR LE MONDE

…sans dévorer la planète

Georges Monbiot, Editions Les Liens qui Libèrent ,2023

Georges Monbiot est un journaliste d’investigation, militant engagé en matière d’écologie depuis plus de 30 ans qui n’a pas hésité à mettre sa santé en danger pour défendre ses idées. Dans cet ouvrage, il nous livre une enquête très documentée qui l’amène à conclure à un besoin de remise à plat de l’intégralité des pratiques agricoles et à proposer une autre voie pour « Nourrir le monde sans dévorer la planète ».

Le premier chapitre nous emmène dans un verger et plus particulièrement dans le sol de ce verger, ou l’auteur nous commente les découvertes qu’il fait en observant (au microscope, car ils sont tout petits) tous les animaux qui peuplent le sol. Le message est clair : « L’avenir est sous nos pieds ».

« Le système alimentaire mondial constitue l’un de ces systèmes complexes que personne n’a cherché à créer dans son intégralité, mais qui, à l’égal des autres réseaux de ce type, s’est organisé de lui-même ». Le deuxième chapitre est une analyse très intéressante des différentes composantes du système alimentaire au terme de laquelle l’auteur conclut qu’à rebours de ce qui se passe actuellement dans ce système (mondialisation, homogénéisation, concentration des acteurs), nous devrions « augmenter le nombre de nœuds, réduire leur taille, desserrer leurs liens, compartimenter le réseau, améliorer sa redondance, accroitre sa diversité », c’est-à-dire le rendre plus robuste.

Pour démarrer le chapitre 3, l’auteur nous propose de prendre l’angle des nutriments car ce sont « les éléments les plus utiles pour rendre visible le système agricole mondial et sa relation au vivant ».  S’en suit une analyse de l’étalement agricole, à la fois sous l’angle des nutriments relargués dans les excréments qui polluent les rivières ou des antibiotiques qui se retrouvent dans les excréments épandus sur les champs. L’étalement agricole, c’est aussi le besoin de terres pour produire les protéines qui servent à nourrir les animaux d’élevage.  « Nous voilà, semble-t-il piégés entre deux forces d’un grand danger : l’efficacité ou l’étalement agricole. L’agriculture est à la fois trop intensive et trop extensive ; elle utilise trop d’engrais, trop de pesticides, trop d’eau et trop de terres ».

Une fois ce constat fait, la suite de l’ouvrage est consacrée à des pistes pour « faire en sorte que tout le monde mange à sa faim si l’agriculture devient à la fois moins intensive et moins extensive ». L’auteur part à la rencontre d’agriculteurs aux méthodes peu orthodoxes : il nous fait rencontrer ainsi Tolly, Tim et Ian dont il détaille les méthodes tout en analysant leurs limites. Il nous parle de plantes vivaces analogues au blé ou au riz qui pourraient produire 5 ou 6 années de suite sans avoir à semer. Il nous fait rencontrer Pasi Vainnika, un scientifique finlandais qui produit des protéines à partir de fermentation de bactéries.

Georges Monbiot s’élève ensuite contre le mythe pastoral : « le récit pastoral est une histoire que la civilisation urbaine se raconte à elle-même sans aucune inquiétude : les pâtres et leurs moutons sont bons et purs, pendant que la ville est ignoble est vénale ». Or la réalité est tout autre et cet imaginaire bucolique nous empêche de « poser les questions qui fâchent, pourtant fort urgentes ».

Au terme de cette exploration, l’auteur nous propose un manifeste rassemblant les grands axes d’action pour « reprendre le contrôle du système alimentaire mondial et renverser les lobbyistes » et ainsi « envisager le début d’une ère nouvelle dans laquelle nous n’aurons pas besoin de sacrifier le monde vivant sur l’autel de nos appétits ».

Un ouvrage inspirant et très bien documenté, qui peut paraitre un peu utopique par certains aspects. Mais, nous dit l’auteur, « nous serons bientôt face à un moment décisif ou les conditions vont changer ».