Les lecteurs habitués aux chroniques de la petite bibliothèque du développement durable peuvent être surpris de me voir chroniquer un ouvrage d'histoire. Mais il suffit de lire la conclusion de l’ouvrage pour comprendre tout l’intérêt que nous avons à regarder en arrière et à essayer de comprendre ce qui s'est réellement passé au 5ième siècle quand les « barbares » ont envahi la partie occidentale de l’empire romain.
La fin de l'Occident romain s'accompagne d'un grand nombre d'horreurs et d'un processus de dislocation tels que j'espère sincèrement ne jamais m'y trouver confronter dans la vie présente. Une civilisation complexe fut détruite, ramenant les habitants de l'Occident Romain à des manières de vivre telles qu’aux temps préhistoriques. Les Romains, avant la chute, étaient aussi convaincus que nous le sommes, nous aujourd'hui, que leur monde resterait pour l’essentiel, tel qu'il est. Ils avaient tort. A nous de ne pas répéter leur erreur et de ne pas nous bercer d'une fallacieuse assurance.
Un des grands intérêts de ce livre (et une originalité par rapport aux livres d'histoire habituels) , c'est qu'il ne se contente pas de nous raconter « les horreurs de la guerre », le « chemin de la défaite », ou la manière dont les anciens Romains ont vécu sous le commandement de nouveaux maîtres. À travers, entre autres, l’étude des poteries des différents siècles, il nous montre la disparition du bien-être qui existait au temps des Romains. Entre la période romaine et les siècles qui ont suivi, il y a eu une chute considérable du niveau de vie.
La taille des villes et des maisons, la masse de pièces de monnaie retrouvées dans le sol, la quantité et la qualité des poteries et des tuiles conservées, le nombre de graffitis et d’inscriptions qui témoignent de l’alphabétisation… Tout concourt à confirmer le fait que la fin de l’Empire romain a provoqué une régression matérielle qui ramène l’Europe occidentale plusieurs siècles en arrière et qui ne sera comblée qu’au XIIe ou au XIIIe siècle, dans le meilleur des cas.
L’analyse des poteries permet aussi de voir le passage d'une activité économique « mondialisée » ( à l'échelle de l'empire romain ) à une économie de subsistance beaucoup plus localisée : à l'époque des Romains, des « usines » de poterie diffusaient leurs produits dans tout l'empire romain. À partir du sixième siècle, on trouve des poteries beaucoup plus grossières fabriquées très localement.
En nous parlant de la chute de Rome, Bryan Ward-Perkins nous parle en fait de nous : la chute de l'empire romain est clairement un exemple à méditer d'un système complexe, qui ne pouvait fonctionner qu’avec une forte utilisation de ressources – énergie et son équivalent de l’époque , à savoir les esclaves , matière, argent – et qui s’est effondré quand ces ressources n’ont plus été disponibles.