Nous disposons aujourd’hui d’un immense faisceau de preuves et d’indices qui suggèrent que nous faisons face à des instabilités systémiques croissantes qui menacent sérieusement la capacité de certaines populations humaines – voir des humains dans leur ensemble – à se maintenir dans un environnement viable
la première partie de l’ouvrage est consacrée au constat : un constat extrêmement bien documenté qui nous montre que nous sommes dans la situation d’un chauffeur de voiture qui a vécu une « grande accélération » – croissance exponentielle de nombreux paramètres de consommation, mais aussi des impacts – et qui se trouve dans l’impossibilité de « ralentir ou de tourner – la pédale d’accélérateur est fixée au plancher et la direction s’est bloquée ( chapitre 4) – mais, plus gênant, l’habitacle est devenu extrêmement fragile ( chapitre 5)».
Ce constat n’est pas nouveau, mais on trouve rarement dans un même ouvrage une analyse aussi large et systémique des limites imposées par la quantité de ressources dites de stock (énergies fossiles, minerais) et les ressources flux (eau, bois, aliments…) et des frontières de notre civilisation que sont les seuils à ne pas franchir sous peine de tout déstabiliser. Le tout étayé par une bibliographie très riche
Dans une 2e partie, les auteurs essaient de répondre à la question : l’effondrement, c’est pour quand ? Peut-on détecter des signes avant-coureurs ? Que disent des modèles mathématiques et informatiques ? La grande conclusion de cette partie, c’est qu’il nous faut accepter le fait que nous ne sommes pas en mesure de prévoir. En temps d’incertitude, c’est l’intuition qui compte
La 3e partie est la plus originale et la plus intéressante, car elle se pose la question de la forme que prendrait l’effondrement- où les effondrements – et de la place de l’humain dans cet effondrement ; Au fond, la vraie question que pose l’effondrement de la civilisation industrielle, au-delà de sa datation précise, de sa durée ou de sa vitesse, c’est surtout de savoir si nous, en tant qu’individu, allant souffrir ou mourir de manière anticipée.
C’est une analyse en terme de psychologie sociale que nous proposent les auteurs, car presque tout se jouera sur le terrain de l’imaginaire et des représentations du monde.
Il s’agit dans un premier temps de sortir du déni, et de commencer un processus de deuil du monde industriel dans lequel nous avons vécu ces 100 dernières années. C’est compliqué, car nous ne sommes pas équipés pour percevoir les dangers que représentent les menaces systémiques ni les menaces à long terme : « De nombreux écologistes disent que le changement climatique est trop rapide. En fait, il est trop lent. Il n’arrive pas assez vite pour retenir notre attention »
Il faut ensuite développer de nouveaux récits, de nouveaux mythes, pour imaginer un avenir meilleur mais sans pétrole et avec un climat instable. C’est là que le Storytelling, et les artistes auront un rôle important à jouer ( cf le film « Demain ») .
Enfin, il faut entrer en action, même avec des petites actions qui paraissent insignifiantes. Car l’action n’est pas l’aboutissement d’un processus, mais fait partie intégrante du processus de transition intérieure. C’est le cas du mouvement des initiatives en transition, qui compte aujourd’hui plus de milliers d’expériences sur les 5 continents
Malgré un titre qui peut paraître « catastrophiste », c’est un ouvrage à lire absolument, car il met des mots sur des intuitions partagées par beaucoup et il inverse notre vision habituelle : il faut admettre que l’effondrement, c’est l’horizon de notre génération, c’est le début de son avenir.
Et l’effondrement et même l’étude de l’effondrement sont des opportunités de voir l’être humain sous un autre angle et de redonner sens à notre époque.