Michel Griffon, Editions Buchet Chastel, 2017
Ingénieur agronome, chercheur spécialiste de l’agriculture, mais aussi s’intéressant à l’économie, Michel Griffon défend depuis longtemps l’agroécologie et l’agriculture écologiquement intensive dans ses différents postes à l’INRA, au CIRAD et à l’ANR.« Ecologie Intensive » n’est pas un ouvrage de solutions pratiques pour l’agriculture de demain. L’objet du livre de Michel Griffon est de prendre du recul et de livrer une vision philosophique et « holistique » issue de plus de 40 ans de carrière professionnelle et de recherches.
Partant du constat du besoin de concilier préservation de la biosphère et expansion humaine, il nous rappelle dans un premier chapitre que la biosphère est un immense stock potentiel de technologie. Il nous propose des réflexions passionnantes sur la notion d’équilibre (auquel notre esprit rêve) et de déséquilibre (qui correspond à la loi fondamentale de la nature). Il nous décrit les différentes approches des écosystèmes : approche systémique fonctionnelle, approche chimique, approche génomique, approche thermodynamique et énergétique.
Il nous décrit ensuite comment l’homme a artificialisé, transformé et menacé la biosphère au point d’en faire une « anthropobiosphère ».
Il se pose la question de savoir si la biosphère sera capable de répondre aux besoins d’une population humaine en croissance, ce qui le conduit à réfléchir à « l’équation suprême de la biosphère. Il présente ensuite l’intensification écologique en insistant sur le concept clé qu’est de travailler sur les mécanismes de la nature (ses fonctionnalités) et intensifier ces fonctionnalités naturelles, par exemple en reconstituant des stocks et des réserves pour constituer des marges de flexibilité en cas de choc dans l’environnement, rétablir de la complexité écosystémique et en particulier la redondance, ou mettre en place des processus artificiels bio inspirés… « L’intensification écologique n’obéit pas à la loi du toujours plus ». L’agriculture écologiquement intensive doit sortir de la tendance actuelle de tirer les performances de production des agrosystèmes vers l’extrême et se doit de respecter les lois écologiques de la viabilité. Il faut donc une révolution doublement verte qui augmente les rendements sans que les flux qui entrent et qui sortent du système ne risquent de se tarir un jour, une révolution telle que le système soit aussi capable de résister à des chocs extérieurs Il
fait ensuite un parallèle entre le fonctionnement économique des sociétés et le fonctionnement de la nature. Ceci l’amène à une réflexion sur les limites d’une économie de marché et sur les possibilités d’« intensifier » les fonctionnalités économiques et sociales à l’image de ce qui peut se faire pour la nature ( on voit apparaitre la notion d’économie de fonctionnalité).
Et il conclut sur le besoin de changer de regard, de retrouver une connivence avec les écosystèmes, car comme le disait Francis Bacon en 1620 « On ne commande à la nature qu’en commençant par lui obéir ». Ce qu’il faut envisager n’est pas un simple changement de technique, mais un changement de logique dans l’exploitation de la nature
Pour cela, il faut s’appuyer sur une connaissance, « connaissance qui soit fondée sur une pensée dialectique ainsi que le discernement, plutôt que sur une pensée rhétorique et manipulatrice »
Une mise en perspective passionnante du futur de l’agriculture et plus globalement de notre relation à la nature.