JAMAIS SEUL
Ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations
Marc André Selosse, Actes Sud 2017,
Le terme « microbe » a mauvaise presse, car le plus souvent associé à la maladie. En fait, le terme « microbe » qui signifie petite vie recouvre une grande variété de microorganismes visibles uniquement au microscope : virus, bactéries, champignons… L’objectif de Marc André Selosse, professeur au Museum National d’Histoire Naturelle et remarquable vulgarisateur est de nous faire découvrir que si certains « microbes » peuvent rendre malades, la plupart sont bénéfiques pour les organismes qui les accueillent.
L’auteur va plus loin et nous montre que la plupart des grands organismes (humains, animaux, plantes) sont en fait constitués en grande partie de « microbes » dont certains leur sont indispensables. « Cet ouvrage décrit comment les animaux, mais aussi les plantes, sont intimement construits par les microbes qui les habitent, et les aident à accomplir des fonctions variées et souvent vitales ».
L’ouvrage est construit autour de chapitres relativement indépendants les uns des autres (on peut « piocher » dans l’ouvrage sans avoir à tout lire), avec en introduction de chaque chapitre un petit résumé.
On navigue ainsi dans le monde des relations entre les arbres et les champignons qui ont construit leurs réseaux à leur pied. On découvre que les microbes sont indispensables à la vie des plantes et que certaines symbioses entre plantes et microorganismes font apparaître de nouvelles propriétés.
On part ensuite dans l’estomac de la vache pour comprendre les symbioses avec les microbes qui lui permet de se nourrir d’herbe. On voit comment les coraux vivent, se protègent en milieu pauvre grâce à leurs algues, et comment les microbes font partie de la vie sociale de certaines fourmis et de certains termites.
On en arrive ensuite à l’homme et ses microbes. Pour ce qui est des mains et de la peau, il faut accepter une « saleté propre » car nous avons besoin d’une couverture bactérienne sur notre peau. Les bactéries sont omniprésentes dans notre estomac et notre intestin et la qualité de notre microbiote intestinal est un élément déterminant de notre santé. L’humain est en quelque sorte « au pouvoir des microbes ». Même les cellules qu’elles soient animales ou végétales ne fonctionnent pas sans microbes à l’intérieur.
Les deux chapitres suivants sont consacrés au transferts des symbioses d’une génération à l’autre. « On est frappé de la variété des bricolages qui, dans l’évolution, ont permis le maintien de l’association entre partenaires » et la manière dont « les microbes interfèrent aussi dans la compétition entre animaux, et, l’homme étant notre exemple, entre civilisations »
Les deux derniers chapitres se penchent sur deux aliments bien connus faisant appel à l’activité microbienne : les boissons fermentées (bière et vin) et les produits lactés (yaourts et fromages), pour nous montrer que l’homme a « bel et bien domestiqué les microbes avant de les avoir même nommés ».
Au vu de la multitude d’interactions microbiennes au sein des grands organismes, ce qui est sûr, c’est que ces organismes ne sont pas indépendants, qu’ils ne sont jamais seuls. « Le chef d’œuvre quotidien de la vie animale et de la vie végétale est cousu de microbes symbiotiques en chaque instant, en chaque organe, en chaque fonction ». On peut ainsi se demander, comme le fait l’auteur en conclusion, si « le monde visible n’est-il que l’écume des interactions microbiennes ».
Un texte très détaillé, exigeant parfois de l’attention pour les non-biologistes, mais rendu accessible par les qualités de vulgarisateur de l’auteur.