Pourquoi chroniquer en 2018, un ouvrage de 2012 ? Parce que Patrick Viveret n’a finalement publié que peu de livres. Philosophe engagé, altermondialiste, Patrick Viveret s’implique plus qu’il n’écrit. Il participe à de nombreux mouvements altermondialistes et il intervient régulièrement dans des conférences (j’ai pu ainsi l’écouter dans une conférence marquante en ouverture des assises de la transition énergétique à Dunkerque en 2016, ou l’on retrouvait toutes les idées développées dans « La cause Humaine »), des formations comme l’Institut des Futurs Souhaitables ou au CHEDD …
En janvier 2012, la France a été " dégradée " non pas pour son attitude lors du génocide au Rwanda ou pour ses crimes coloniaux, mais parce qu’une agence de notation ne juge pas l’économie de notre pays suffisamment compétitive. Cet exemple qui démarre le livre de Patrick Viveret illustre bien le volet « critique du capitalisme » de l’ouvrage : « Quand le cœur d’une société, voire d’une civilisation, réside dans l’économique- ce qui ne s’était jamais produit dans l’histoire- quant au cœur de l’économie se trouve l’organisation financière et qu’au cœur de cette organisation financière règne l’euphorie et la panique, il n’est pas très étonnant que le système devienne insoutenable. Le couple infernal formé par la démesure du productivisme et celle du capitalisme financier nous entraine vers des seuils de rupture écologique dramatique » Mais si la critique est sévère et fortement étayée, elle est complétée par de nombreuses propositions pour remettre « la cause humaine » au cœur de la politique. Patrick Viveret (et Edgar Morin qui a rédigé la préface) nous invite à nous tourner vers l’Eros, la force de vie pour s’opposer au Thanatos, la force de mort véhiculée par le système actuel. Il nous faut revisiter le politique, l’économie, la culture « en plaçant au cœur de leur refondation le paradigme de la suffisance plutôt que de la rareté, du mieux être plutôt que de beaucoup avoir, du partage plutôt que de la possession ».
Un petit livre très riche qui nous propose l’amour, le bonheur, le sens comme nouvelle frontière de l’humanité et nous donne des pistes pour ce qui est la fin d’un monde. « Une période se termine, mais une autre s’ouvre. Ce qui différentie fondamentalement l’attitude des résignés et celle des bâtisseurs, c’est que les premiers ne voient que le déclin et la chute, quand les autres pressentent la germination créatrice même au cœur de l’épreuve »