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LA THEORIE DU DONUT

L’économie de demain en 7 principes

Kate Raworth, Editions Plon , 2018

« En économie, l’outil le plus puissant n’est pas l’argent, ni même l’algèbre. C’est un crayon. Parce qu’avec un crayon vous pouvez redessiner le monde ». Et de fait le DONUT dessiné par Kate Raworth au début des années 2010 a eu un impact énorme pour faire comprendre que notre société humaine devait naviguer entre « un fondement social du bien être en deçà duquel personne ne devrait tomber et un plafond écologique de pression planétaire au-delà duquel nous ne devrions pas aller ».  L’ouvrage de celle qui explique s’être éloigné de l’économie pour mieux y revenir (elle a été économiste pour les Nations Unies, puis chercheuse dans une ONG, avant de devenir enseignante à l’université d’Oxford) nous propose de repenser complétement l’économie pour rentrer dans « l’espace juste et sur » du DONUT.

Après une entrée en matière qui explique l’importance des images dans l’économie de tous temps (cf. la loi sur la demande de William Stanley Jevons en 1871, ou le schéma du flux circulaire de Paul Samuelson en 1948), l’auteur s’écarte de la « vision économique fondée sur des manuels de 1950 qui s’appuient eux même sur les théories de 1850 » pour proposer « sept manières de penser en économiste du 21ième siècle, en révélant chaque fois l’image erronée qui occupait notre esprit ».

Premièrement changer le but : la focalisation depuis 70 ans sur le PIB doit être remplacée par un but bien plus vaste « satisfaire des droits humains de chaque individu dans la limite des moyens de notre planète source de vie », autrement dit rester dans le DONUT

Deuxièmement, voir l’ensemble du tableau. Il n’est plus possible de laisser le pouvoir au marché et à la finance sans contrôle. Dans la pièce de théâtre qu’est la vie, il faut redonner sa place à la Terre qui est source de vie, à l’Etat qui est essentiel, aux Communs qui sont créatifs…

Troisièmement, il faut cultiver la nature humaine. Il est temps de « retirer du musée l’image caricaturale » de l’Homo Economicus pour donner toute sa place aux humains sociaux adaptables.

Quatrièmement, mieux connaitre les systèmes. Plutôt que de voir l’économie comme un système mécanique stable et d’essayer de trouver les « insaisissables leviers de contrôle de l’économie », il vaut mieux la piloter comme « un système adaptatif complexe, composé d’humains interdépendants dans un monde vivant dynamique ».

Cinquièmement, redessiner pour redistribuer. Ce qu’il faut redessiner c’est la courbe de Kuznets qui « chuchotait ce puissant message concernant l’inégalité : elle doit empirer avant de pouvoir s’améliorer, et la croissance finira (un jour) par tout aplanir ». C’est une erreur de conception nous dit l’auteur « N’attendez pas que la croissance économique réduise les inégalités, elle ne le fera pas. Créez plutôt une économie qui soit distributive à dessein ».

Sixièmement, créer pour régénérer.  Dans la même logique que la courbe de Kuznets, le mantra économique à déconstruire c’est que « la croissance économique entraine une phase initiale de détérioration suivie d’une phase d’amélioration ». L’économie du 21ième siècle, c’est passer de l’économie linéaire dégénérative à l’économie circulaire régénérative.

Septièmement, être agnostique en matière de croissance. Les pères fondateurs de la théorie économique classique « sentaient intuitivement que tout ce qui croit finit par ralentir et s’arrêter ». Il faut donc sortir de l’obsession de la croissance pour développer « des économies qui nous font nous épanouir, qu’elles croissent ou non ».

Au terme de cet essai très complet, Kate Raworth conclut : « En combinant le pouvoir bien connu du cadrage verbal et le pouvoir caché du cadrage visuel, nous pouvons nous donner de plus grandes chances de rédiger un nouveau récit économique, celui dont nous avons si désespérément besoin pour un 21ième siècle juste et sur ». Rigueur des arguments avancés, style très imagé, quelques dessins sont les ingrédients qui font de cet ouvrage une analyse percutante des fausses images qui polluent notre réflexion et celles de nos dirigeants et une ébauche crédible d’un nouveau récit économique pour le 21ième siècle.