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LE POUVOIR DU SURICATE

Apprivoiser nos peurs pour traverser ce siècle

Pablo Servigne, Nathan Obadia, Editions du Seuil, 2024

Pablo Servigne est bien connu pour avoir porté le thème de la collapsologie à travers « Comment tout peut s’effondrer » et « Une autre fin du monde est possible » (voir chroniques), des livres qui peuvent clairement susciter des peurs tant le constat est sans appel. Nathan Obadia a créé une méthode combinant arts martiaux et méditation pour aider à rester serein face aux défis du quotidien. Tous les deux avouent avoir « une histoire intime, puissante et inachevée avec nos peurs » sur laquelle ils travaillent depuis des années.

Partant de leurs expériences, et s’appuyant sur les connaissances neurobiologiques les plus récentes, ils nous partagent leur conviction qu’« en s’entourant de ressources suffisantes, avec un brin de curiosité et de tendresse pour soi-même et pour le monde, il est possible d’apprendre à mieux connaitre ses peurs (individuelles et sociales) et donc de se libérer progressivement de ses peurs bloquantes ou inhibantes ». 

Leur ouvrage se veut très pratique et donne une méthode pour apprivoiser nos peurs. Pour illustrer cette méthode, ils ont choisi la métaphore du suricate, ce petit animal qui vit dans les déserts d’Afrique du Sud (le personnage de Timon dans le Roi Lion), dont il y a toujours un individu posté en sentinelle pour protéger le groupe.

« Notre Suricate intérieur agit comme une fidèle sentinelle qui scanne en permanence notre monde extérieur et intérieur afin d’assurer notre sécurité et de maintenir un équilibre intérieur… Dès que le Suricate perçoit un danger, il sonne l’alarme et lance instantanément des stratégies de survie de type fuite, attaque ou inhibition ». Et quel que soit notre volonté d’utiliser notre cerveau cognitif, « notre Suricate agit de façon automatique, en dehors de notre champ de conscience. On ne peut pas l’empêcher de lancer une alarme, c’est lui qui estime s’il y a danger, en référence aux expériences déjà vécues » (« les dossiers », dans le langage des auteurs).

Les auteurs proposent une carte avec trois couleurs de peur. Le vert, c’est rester calme. Le rouge, c’est l’action : « le rouge est un état de mobilisation qui permet au corps de se préparer à agir pour réduire ou éliminer la menace. ».  Le bleu, c’est l’inverse du rouge, c’est l’immobilisme : « La seule issue possible pour notre sécurité est de ne pas bouger d’un iota ».

Ils s’appuient sur cette carte de couleurs pour analyser de nombreux exemples, proposer des solutions pour apprivoiser notre Suricate, travailler ses « dossiers » et donnent 6 principes pour un entrainement au quotidien.

L’objectif de tout le travail proposé sur nos peurs, c’est de « faire en sorte qu’une peur qui émerge déclenche automatiquement non pas une crainte et un repli, mais la recherche de liens autour de valeurs universelles ». Car, concluent les auteurs, si une partie de la solution à nos problèmes sociaux et environnementaux relèvent de notre développement émotionnel individuel, ce développement personnel ne « doit pas servir à nous enfermer dans de petites bulles de confort ». Il doit nous servir à nous inscrire dans des démarches collectives : « Utilisons l’énergie du Suricate pour recréer un esprit de tribu universelle autour de récits nouveaux, joyeux et sensés, générateurs d’actions justes et connectés ».

Un livre qui combine des conseils très pratiques pour aider au développement personnel, une prise de hauteur sur l’aspect collectif de la lutte contre nos peurs individuelles et un aspect visuel grâce aux illustrations de Mathieu Burnat.  Et un message clé : « pour naviguer dans cette tempête force 4 qu’est devenue l’anthropocène, nous devons nous doter d’une boussole émotionnelle solide ».