Alors que la machine économique creuse les inégalités, altère la cohésion sociale et accélère l’arrivée d’une catastrophe écologique majeure, les États apparaissent de plus en plus impuissants. Beaucoup se tournent donc vers les entreprises et les pressent d’agir en conséquence et d’exercer leur responsabilité sociétale. Il ne s’agit plus de se doter d’un dispositif « RSE » sous forme de « générosité concédée en marge de leur activité, sous forme de fondations ou de contributions à des causes diverses ». Les entreprises sont désormais sommées de contribuer à la résolution des défis de notre monde « la société commence aujourd’hui à demander et demain imposera aux entreprises qu’elles apportent la preuve de leur vertu dans leurs activités même, tant à l’égard de leurs salariés, que de leurs clients et de leur environnement ». C’est ce qui fait dire à l’auteur que l’entreprise a plus qu’une responsabilité sociétale, elle a un responsabilité politique « L’entreprise doit maintenant mettre toute son énergie au service d’un autre projet de société » nous dit Nicolas Hulot dans la préface.
L’intérêt de l’ouvrage réside certes dans cette vision de « l’entreprise à mission » telle que la définit la loi Pacte adoptée en 2019, mais aussi beaucoup dans la personnalisation qu’en fait l’auteur. En effet, Pascal Demurger n’est pas un chercheur ou un journaliste. C’est depuis 10 ans le directeur général de la MAIF, où il expérimente un modèle d’entreprise singulier faisant de la recherche d’un impact positif une source majeure de performance.
D’où un livre en deux grandes parties :
- La première dans laquelle l’auteur, après avoir décrit « la folie du monde, entre inconséquence économique et impuissance politique » se livreà uneréflexion globale sur le mouvement de profonde mutation de l’entreprise, en même temps que la métamorphose de la répartition des rôles entre les sphères économiques et politiques.
- La deuxième beaucoup plus personnelle, dans laquelle Pascal Demurger décrit comment la MAIF travaille au quotidien à « faire de son impact positif une source puissante de performance et de pérennité ».
Dans le chapitre « Sois le changement que tu veux voir dans le monde », il décrit la manière dont la MAIF s’efforce d’être exemplaire en matière environnementale et sociétale. Dans le chapitre « L’audace de la confiance », il décrit une organisation qui fait confiance aux collaborateurs, tout à fait dans la logique de l’entreprise libérée. Dans « L’obsession du long terme », il décrit une vision long terme dans l’approche du métier d’assureur « A la froideur juridique du contrat, nous préférons la chaleur de l’empathie et la proximité avec nos assurés ».
Dans la conclusion, il invite à une généralisation du modèle car, dit-il, même si la démarche peut paraitre parfois contre intuitive et risquée quand tous les concurrents font le contraire « j’ai la conviction profonde, viscérale, que ce choix est le bon. Que l’on ne peut pas fuir ses responsabilités quant à son impact. Et qu’en outre, c’est la seule voie qui nous permet peut nous permettre de résister aux tsunamis à venir, au déferlement, demain, d’une nouvelle concurrence féroce ».
Et il nous rappelle l’importance de donner du sens à son action : « Si je contribuais à dessiner les contours d’un monde dont mes propres enfants n’attendaient rien, pour lequel il ne nourrissaient aucun dessein, dans lequel ils ne se projetaient pas, c’était assurément que je faisais fausse route ».