Glenn Albrecht est un philosophe de l’Environnement. A la fin d’une longue carrière consacrée à essayer de comprendre les rapports entre la Terre et l’être humain , il se sent « capable de proposer une réflexion sur le sens de la vie humaine au temps de l’Anthropocène ». Dans cet ouvrage, il se concentre sur un thème majeur : les réactions émotionnelles particulières que nous manifestons en réponse au rythme et à l’ampleur du changement environnemental et écologique, ce qu’il appelle les “émotions de la Terre ”.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il nous propose sa « sumbiographie », l’ensemble des expériences qui l’ont amené à avoir une capacité à ressentir des émotions riches au contact de la nature. Tout d’abord son lieu de vie, la Nouvelle Galles du Sud en Australie qui l’a amené à être en contact étroit avec les cultures aborigènes d’Australie, ses grands-parents qui lui permettent de vivre une enfance dans une ferme au milieu du « bush » et de développer un amour des oiseaux. Mais aussi le constat de la destruction de paysages par le développement des mines de charbon.
C’est cette expérience d’une vallée « détruite » par une mine de charbon et les échanges qu’il a eu avec les habitants qui l’a amené à « inventer » un premier concept et le mot correspondant, la solastagie « Je définis la "solastalgie" comme la douleur ou la détresse causée par une absence continue de consolation et par le sentiment de désolation provoqué par l’état actuel de son environnement proche et de son territoire. Il s’agit de l’expérience existentielle et vécue d’un changement environnemental négatif, ressenti comme une agression contre notre sentiment d’appartenance à un lieu ». La « solastalgie » est devenu un concept important, objet de nombreuses recherches dans le monde entier et réutilisé y compris dans la littérature grand public.
Plus globalement, Glenn Albrecht fait le constat que l’Anthropocène est « caractérisé par de puissantes forces globales qui étouffent et éteignent progressivement la vie sur terre » , mais que nous n’avons pas les mots pour décrire les émotions que nous éprouvons face à ce changement . Et sa spécialité est devenue de créer des nouveaux concepts qui décrivent les liens intimes entre notre psyché et la Terre ( les liens psychoterratiques ) , et les mots pour représenter ces émotions qu’elles soient négatives comme la terrafurie ( la colère face à la destruction de l’environnement par la société technologique ), ou l’eutierrie ( le sentiment positif et reconfortant d’unité avec la terre).
A travers ces nouveaux mots, il entend modifier notre perception du monde, de notre avenir, et de notre place au sein du monde vivant. Et il nous invite à mobiliser nos émotions pour que l’Anthropocène soit remplacé par une nouvelle ère dont le nom est une belle promesse : le Symbiocène. « Le Symbiocène est un nouveau grand récit culturel, qui invite tous les humains à créer un avenir où les émotions positives de la terre l’emporteront sur les émotions négatives. Pour créer le Symbiocène , nous devons détruire l’Anthropocène et sa croissance parasite et cancéreuses. Nous ne pouvons plus permettre à une petite minorité au sein d’une seule espèce de dominer tout le reste du vivant »
Et il conclut : « Toutes les cultures humaines traditionnelles lient plus ou moins la santé de l’écosystème et la santé humaine. Instaurons une bonne relation symbiotique dans un tel lieu particulier–et la vie sera bonne. Appliquons ce principe partout et la vie sur Terre sera très bonne »
Cet ouvrage est la synthèse de 25 ans de recherches très originales, qui ont fait de Glenn Albrecht le spécialiste mondial des effets psychologiques induits par les transformations de l’environnement et de la description des émotions négatives ou positives envers la Terre.