Dennis Meadows, Donella Meadows, Jorgen Randers, Editions rue de l’échiquier, 2012, 2017
En 1972, en réponse à une demande du club de Rome, un groupe de chercheurs du MIT produit le premier rapport « The limits to growth », dont le titre a été traduit en français par « Halte à la croissance ». Ce rapport fait suite à un travail de modélisation de chercheurs en dynamique des systèmes qui, grâce au modèle World 3 qu’ils ont construit, ont testé de multiples hypothèses et construit plusieurs scenarios. « Dans tous les scenarios réalistes de World 3, les limites physiques de la planète obligent la croissance physique à s’arrêter à un moment ou un autre du 21ième siècle ».
En 1992, parait une mise à jour de cette étude, intitulée « Beyond the limits » pour bien marquer le fait que, 20 ans après, « l’humanité avait dépassé la capacité de charge de la planète ». Les résultats de cette nouvelle étude confirmaient les scenarios de 1972.
Le présent ouvrage « Les limites de la croissance » publié en 2004, est l’occasion pour les auteurs de « réaffirmer notre position de 1972 d’une façon qui soit plus facile à comprendre et mieux étayée par les données et les exemples que nous avons pu recueillir dans ces dernières décennies ». Avec l’espoir d’être mieux entendu, car constatent-ils, « le dépassement écologique nous semble être un concept beaucoup plus important, en ce vingt et unième siècle, que le libre-échange. Mais il arrive loin en matière d’attention et de respect de la part du grand public ».
L’ouvrage est structuré autour de 8 grands chapitres :
- Le premier chapitre qui décrit le dépassement des limites est un peu daté car les données datent de l’année 2000, mais les tendances n’ont pas changé. Ce chapitre sert d’introduction pour les chapitres suivants.
- Le deuxième chapitre analyse « pourquoi la croissance domine à ce point le système mondial ».
- Le troisième chapitre décrit les ressources (et le cout croissant d’accès à ces ressources) et les exutoires de la pollution.
- Le quatrième chapitre décrit comment le modèle World 3 à pris en compte l’ensemble des éléments (ressources, exutoires, boucles systémiques…) pour faire une analyse dynamique du système Monde tout entier.
- Le chapitre 5 est consacré à un cas particulier, le cas de la couche d’ozone, pour illustrer le fait qu’il est possible de redescendre en deçà de limites.
- Le chapitre 6 aborde le sujet de la technologie et des marchés. « Les limites sont politiquement taboues et économiquement inconcevables. Notre culture tend à nier leur existence en faisant une confiance aveugle aux pouvoirs de la technologie et au fonctionnement de l’économie de marché. ». Malheureusement, nous disent les auteurs, « même avec les technologies les plus efficaces et la résilience économique la plus élevée possible, le modèle génère des scenarios d’effondrement ».
- La transition vers un système soutenable présentée dans le chapitre 7, c’est ce qui peut arriver quand on combine « des améliorations techniques associées à des choix sociétaux afin de limiter la croissance ».
- Dans le 8ième et dernier chapitre, les auteurs nous proposent des outils pour la transition, non pas des outils techniques ou informatiques, mais des outils plus humains comme l’inspiration, le travail en réseau, l’honnêteté, l’apprentissage, l’amour de l’humanité.
A la fin de leur analyse, les auteurs nous rappellent que, si les modèles peuvent donner des tendances, personne ne sait de quoi l’avenir est fait. Cet avenir dépendra des choix que nous ferons et donc des modèles mentaux dans lesquels nous nous inscrivons. Si notre modèle mental est qu’il n’y a pas de limites, le modèle physique nous dit qu’il y aura effondrement. Si notre modèle mental est de dire qu’il y a bien des limites, mais que l’on a plus de temps pour réagir, il sera auto-réalisateur et nous irons aussi vers un effondrement. Si par contre nous sommes conscients qu’il y a des limites, mais que nous avons encore le temps de réagir, « une révolution de la durabilité vers un monde bien meilleur pour l’immense majorité d’entre nous est possible ».
Et les auteurs concluent « Ce troisième scénario peut tout à fait se révéler faux ». Mais d’après leurs données et modélisations, « il se peut aussi qu’il soit valable. Et ce n’est qu’en le testant que nous aurons la réponse ».
Un ouvrage très pédagogique, écrit avec le souci de bien faire apparaitre les boucles systémiques et les choix faits pour le modèle World 3, qui est toujours d’actualité 20 ans après. Avec en prime les réflexions d’experts qui ont plus de 30 ans de recul sur le sujet.