Dirigé par Anne Lambert et Joanie Cayouette-Remblière, Editions de l’Aube 2021
« Le confinement et ses conséquences négatives touchent en premier lieu, et de manière plus intense, les populations modestes et pauvres ». Tout l’intérêt de ce livre est de donner corps à ce constat : un groupe d’une vingtaine de sociologues rassemblé par Anne Lambert et
Joanie Cayouette-Remblière a réalisé une enquête fouillée au printemps 2020 . Il en sort des éléments chiffrés, mais aussi une analyse qualitative qui est probablement la plus grande richesse du livre.
Les auteurs nous livrent ainsi vingt et un chapitres faisant chacun le portrait détaillé d’un foyer et de l’impact qu’a eu la pandémie sur leur vie. En allant des mieux lotis (la forteresse enchantée d’un pilote de ligne) aux moins bien lotis (s’unir pour survivre dans un foyer de travailleurs migrants) en passant par la difficile survie d’un petit indépendant ou une agricultrice sous la pression de la famille et de la conjoncture.
Mais ce que nous racontent ces portraits, ce ne sont pas seulement l’impact de deux mois de confinement. Les foyers choisis avaient déjà été interrogés dans des circonstances ordinaires, souvent plusieurs années avant. « Ces entretiens actualisés ont aussi constitué l’occasion de mesurer les changements intervenus dans le temps long…de rendre compte de la pente des trajectoires sociales : ascension sociale mais aussi déclassement ou immobilité » Le choix méthodologique des sociologues a donc été de « réaliser une enquête statistique dans le temps court du confinement, mais de l’inscrire dans le temps long de l’histoire des inégalités ».
Le titre « l’explosion des inégalités » ne se réfère donc pas seulement au confinement lié à la pandémie, mais à une tendance beaucoup plus long terme. Comme le dit Dominique Meda dans la préface : cette étude apporte « la preuve scientifique que la crise sanitaire a révélé et exacerbé des inégalités sociales trop souvent invisibilités ». Or cette dernière nous rappelle aussi qu’une étude publiée en 2013 – Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous- il a été montré que « les populations des pays moins égalitaires, ou les revenus étaient mieux repartis au sein de la population, avaient une espérance de vie plus élevée que celle des pays plus inégalitaires, mais aussi une meilleure santé mentale, une
moindre mortalité infantile, une moindre prévalence de l’obésité.. »
Les inégalités mises en évidences dans l’ouvrage conduisent les autrices de l’ouvrage a conclure que «la situation sociale explosive appelle , plus qu’à la vigilance, à la mise en place de politiques redistributives massives et multidimensionnelles, seules à même de panser les dégâts de la crise sanitaire et de réduire durablement les écarts de condition de vie en France, déjà creusées par différentes évolutions structurelles sur le marché du travail, du logement ou encore de l’éducation au cours des dernières décennies »