Mathieu Auzanneau , avec Hortense Chauvin , Editions du Seuil, 2021
Le pétrole conventionnel a franchi en 2008 un pic de production absolue et depuis il est en décroissance. On a donc bien eu affaire à un premier « peak oil » mondial, après le « peak oil » du pétrole conventionnel aux Etats Unis en 1970. Les pétroliers savent bien prédire de type de phénomène depuis Marion King Hubbert qui, en 1956, avait prédit le peak oil de 1970. Le pic de 2008 n’a donc pas été une surprise.
La question qui se pose peut donc être formulée ainsi « puisque le pic de pétrole conventionnel est franchi, combien de temps son déclin pourrait-il être compensé par les pétroles non conventionnels, face à une demande qui, elle, n’a pas fini de croître ? ».
Mathieu Auzenneau, dirige le Shift Project et travaille depuis longtemps sur le sujet du pétrole. Accompagné de Hortense Chaunin, journaliste à Reporterre, ils ont rédigé un petit livre très didactique qui rassemble de manière synthétique les dernières données sur la production pétrolière et ses perspectives, en particulier celles issues des derniers rapports du Shift Project.
Et les perspectives ne sont pas réjouissantes « Total estime que le monde risque de manquer de pétrole à l’horizon 2025, même en adoptant un point de vue très prudent sur la reprise ».
De plus, depuis 2008, nous sommes dans « une économie de Shadocks ». Plutôt qu’anticiper un déclin que tous les spécialistes voient arriver très rapidement et qui est probablement «parmi les causes primaires d’au moins deux des plus graves crises économiques et politiques de ce début de siècle», nous tirons « des chèques en blanc sur une hypothétique croissance économique future – croissance qui a toujours été tributaire d’un flot croissant d’énergie et en particulier de pétrole ».
Et les conséquences risquent d’être graves pour les pays riches consommateurs de pétrole : « Parce qu’il permet leur extraction massive, le pétrole est la mère de toutes les matières premières : le pic pétrolier signifie probablement un pic de presque tout ». Mais aussi pour les pays producteurs de pétrole dont l’économie, sous perfusion de pétrodollars, s’effondre quand la production décroît, entraînant le pays dans le chaos : ce qui se passe au Venezuela risque de se reproduire en Algérie, au Nigéria, en Angola.
« Bien sûr, si les engagements climatiques étaient enfin pris au sérieux, le problème du pic d’offre pétrolière disparaitrait ». Mais les actions des gouvernements étant pour l’instant loin d’être à la hauteur, nous risquons d’être rattrapés par la « voiture balai » du manque de pétrole.
Il nous faut donc sortir du déni de la réalité physique du déclin du pétrole et organiser la sortie du pétrole de toute urgence.