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Résonance

Une sociologie de la relation au monde

Hartmut Rosa,  Editions La découverte, 2018

 

N’étant pas un spécialiste de la sociologie, ni de la philosophie, je ne m’aventurerai pas à faire une analyse « scientifique » de ce gros ouvrage de Hartmut Rosa (536 pages). Par contre, ce dont je peux témoigner, c’est que ce livre « m’a parlé », il a résonné en/pour moi.

La thèse principale de ce livre est fondée sur la corrélation entre la qualité de notre vie et notre capacité à rentrer en résonance avec le monde. Or la société moderne conduit à une relation au monde « muette » dans laquelle nous essayons de l’instrumentaliser et de le dominer. La résonance nous invite à développer notre aptitude à nous laisser « prendre », toucher et transformer par le monde.  

Même si nous sentons bien que nous en avons besoin, les relations de résonance sont de plus en plus rares en raison de la logique de croissance et d’accélération du monde moderne, qui bouleverse en profondeur notre rapport au monde sur le plan individuel et collectif. Pour Hartmut Rosa, qui avait consacré un précédent livre à l’accélération, la résonance est la solution au problème de l'accélération. 

L’intérêt majeur de cet ouvrage réside dans l’alternance entre des temps de références à des théories philosophiques et sociologiques – parfois un peu complexes pour les non initiés –  et des illustrations très pratiques de la résonance dans des domaines extrêmement variés : l’expérience corporelle la plus basique (respiration, alimentation, sensations), la relation avec autrui dans les sphères de l’amitié, de l’amour ou de la politique ; la relation avec une idée ou un absolu dans les sphères de la nature, de la religion, de l’art et de l’histoire, la relation avec la matière, les artefacts dans les sphères du travail, de l’éducation ou du sport, de la musique…
Ces exemples font souvent écho à des expériences personnelles et donc permettent de bien s’approprier le concept de résonance. 

A travers cet ouvrage Hartmut Rosa ne nous parle pas de décélération, de tout arrêter, mais plutôt de se rapprocher du bonheur, en retrouvant des relations résonnantes avec les autres , mais aussi avec les objets, le travail….. Il veut nous porter un message optimiste « Un monde meilleur est possible, un monde où il ne s’agit plus avant tout de disposer d’autrui mais de l’entendre et de lui répondre ».

Pour terminer cette chronique, je vous propose deux extraits d’un interview de Hartmut Rosa  extrait du site USBEK &RICA. https://usbeketrica.com/article/aucun-des-grands-enjeux-de-la-planete-ne-sera-sauve-par-la-technologie

La résonance, c’est la conscience profonde, existentielle. Prendre du recul pour voir ce qui fait écho en nous, ce qui nous relie au monde. Elle n’est pas monolithique : pour certains, ce sera l’amour, pour d’autres, l’amitié, pour d’autres encore, l’engagement démocratique. Elle peut prendre une forme verticale, horizontale ou diagonale. La résonance, ce n’est pas du cognitif, c’est une différente manière de vivre, un habitus existentiel. Regardez-vous face à l’océan ou dans un supermarché lorsqu’il y a des soldes : votre rapport au monde n’est pas le même. C’est pour cela que nous allons voir l’océan : nous voulons entendre le clapotis, nous sentir vivre. Le problème, c’est l’hubris, vouloir tout contrôler ou tout modifier, y compris la nature. Ce n’est pas raisonnable, revenons à l’eudaimonia d’Aristote. La bonne vie. Libre à chacun de la trouver dans l’amour, l’amitié ou même la religion…

 Ce que je veux dire, c’est qu’être en résonance, c’est accepter l’altérité que nous ne savons plus reconnaître : nous voyons les migrants comme une menace, nous voulons monter des murs contre eux comme Donald Trump, voire tirer sur les bateaux qui les emmènent en Europe. Ça ne peut pas constituer un projet de société. L’autre logique, c’est que nous fassions une pause, et que nous revenions vers la bonne vie, là où nous entrons en résonance avec le monde et nous ouvrons à d’autres modèles.