Un défi pour l’humanité
Philippe Bihouix, Vincent Perriot, Editions Casterman, 2024
Philippe Bihouix est un ingénieur qui travaille depuis une vingtaine d’années sur les ressources, leur raréfaction et les moyens de sortir de notre frénésie technologique. Parmi les ouvrages qu’il a écrits seul ou à plusieurs, on peut citer « Quel Futur pour les métaux » – 2010 et « L’Age des low tech » – 2014 (voir les chroniques) dont les idées sont à la base de « Ressources ». Vincent Perriot est un dessinateur de BD, qui, récemment a composé une série de Science-Fiction, Negalyod. De leur rencontre est née une BD qui se présente comme un voyage (en vaisseau spatial, mais aussi avec d’autres véhicules plus sobres) qu’ils font ensemble dans le monde des ressources matérielles, en particulier des métaux.
Les premières planches décrivent un futur idyllique où en 3019, l’homme a définitivement conquis l’espace comme le proposait Jeff Bezos, fondateur d’Amazon en 2019. « Vincent, tu crois vraiment à cette vision de l’avenir ? » demande Philippe qui lui propose un voyage pour comprendre pourquoi cette vision est irréaliste.
Le voyage commence dans le monde des cornucopiens, ceux qui ont « la conviction que nous allons, grâce au progrès technique, vers un monde d’abondance ». L’occasion d’un retour dans le passé pour rencontrer les penseurs d’un progrès sans limite à commencer par Roger Bacon, René Descartes ou William Godwin… et plus près de nous Alvin Toffler ou William Nordhaus, mais aussi ceux comme Malthus ou les auteurs du rapport de 1972 sur les limites de la croissance, qui eux sont convaincus qu’une croissance infinie dans un monde fini est impossible.
Une fois identifiées les deux visions de l’avenir radicalement opposées, le chapitre 2 explore les raisons pour lesquelles une croissance infinie de l’économie est physiquement impossible.
Le chapitre suivant emmène les deux voyageurs dans le monde des ressources et en particulier des métaux, où sont bien illustré le cercle vicieux entre énergie et métaux (l’extraction des métaux demande toujours plus d’énergie, la production d’énergie demande de plus en plus de métaux), l’effet rebond, la notion d’entropie, les notions de stocks et de flux… avec le risque de transformer à terme « Gaia », la planète vivante en Thanatia, une planète morte.
Le chapitre 5 rentre dans des aspects techniques des métaux pour expliquer les limites qu’il y a au recyclage des métaux.
Les chapitres 6 et 7 reviennent sur des aspects plus philosophiques pour réfléchir à des pistes pour une civilisation techniquement soutenable : sobriété, durée de vie (sortir de la société du jetable), techno discernement et Low Tech. Tout en sachant que « si cette décroissance des flux matériels s’avère nécessaire techniquement, il faut que cela fonctionne du point de vue économique et social ». Ce n’est pas gagné de faire atterrir « ce vaisseau fou qu’est devenu notre civilisation technologique ». La conclusion est empruntée à Thomas More : pour parler de l’atterrissage, Philippe nous dit « Je le souhaite plus que je ne l’espère ».
Un très bel ouvrage qui combine de superbes dessins et des illustrations très pédagogique des idées développées par Philippe Bihouix dans ses précédents ouvrages. Pour ceux qui veulent aller plus loin, l’ouvrage est complété par un glossaire, des compléments techniques et une liste de références.