Le titre est clair : Eloi Laurent, économiste à l’OFCE (l’Observatoire français des conjonctures économiques), souhaite d’une part montrer que nous gouvernons aujourd’hui l’économie avec de mauvais indicateurs, au premier rang desquels la croissance et son incarnation le PIB, et d’autre part donner un mode d’emploi pour une transition du bien-être
Il commence son essai en citant Greta Thunberg qui le 15 décembre 2018, s’adressa à la COP24 en ces termes : « La croissance économique, éternelle, voilà la seule chose dont vous parlez…Continuer avec les mêmes mauvaises idées qui nous ont conduit dans l’impasse où nous sommes, voilà tout ce que vous proposez. »
« Contrairement à ce que pensent les forcenés et les utilitaristes de la croissance, nous n’avons plus besoin du PIB. Il est devenu un obstacle à notre compréhension comme à notre réforme du monde. »
Eloi Laurent plaide pour le remplacement du PIB par les nombreux indicateurs de bien-être, de résilience et de soutenabilité qui existent déjà et qui permettraient de voir le monde tel qu’il est.
Dans la première partie de l’ouvrage, il s’emploie ainsi à nous montrer tout ce que la croissance du PIB nous cache :
– l’acide des inégalités « si l’économie sert à compter ce qui compte, cela doit être en comptant ce qui est égal ou inégal, et non pas en masquant cette inégalité par des mesures agrégées, comme la croissance »,
– l’effacement de la frontière entre travail et loisir,
– la maladie de la croissance « la pathologie qui empêche de voir la dégradation manifeste du bien-être humain au nom de la bonne santé du PIB »
– la mondialisation de la solitude en particulier liée au développement du numérique « cette dégradation des liens sociaux importe infiniment plus que la croissance économique qu’il est possible de tirer du capitalisme numérique »
– la récession démocratique en cours dans la dernière décennie,
– l’économie de la pesanteur « l’économie mondiale ne s’est donc pas dématérialisée avec la transition numérique, mais au contraire elle s’est rematérialisée, ce qu’aucun indicateur de croissance, y compris qualitatif, ne nous permet de comprendre ».
Pour terminer ce panorama, l’auteur nous décrit l’expérience de la Chine qui valide ses idées : la croissance ne diminue pas les inégalités et ne contribue pas au bonheur ; le libéralisme économique n’engendre pas le libéralisme politique ; la croissance ne remédie pas aux crises écologiques.
La deuxième partie s’appelle transition du bien-être, pour bien indiquer qu’il s’agit « d’un processus dynamique, non pas seulement d’un but à atteindre, mais un chemin à tracer »
« Une transition réussie suppose en effet trois étapes : fixer un horizon à atteindre (l’état souhaité), caractériser précisément les problèmes à résoudre (l’état a dépasser) et tracer une voie praticable d’un état à l’autre (en mobilisant notamment des instruments de politique publique) »
Et en une cinquantaine de pages, Eloi Laurent nous illustre comment les indicateurs de bien-être, de résilience et de soutenabilité doivent maintenant orienter et réformer les politiques publiques et privées : il donne des pistes d’action au niveau européen, au niveau national, au niveau des territoires, et au niveau des entreprises.
Un essai écrit d’une plume alerte qui est tout à fait d’actualité en ce temps de crise que nous vivons avec le COVID 19.