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VIVE LES MICROBES

Comment les microbiomes protègent la santé planétaire

Marie Monique Robin, ARTE Editions/ Editions La découverte, 2024

Dans « La fabrique des pandémies », publié en 2020, Marie Monique Robin nous présentait l’analyse convergente de 69 scientifiques sur le lien très clair entre destruction des écosystèmes et apparition des pandémies. « Vive les microbes », c’est la suite de « la fabrique des pandémies ». C’est une enquête auprès de scientifiques du monde entier qui « montre que l’absence de biodiversité – végétale, animale et microbienne – dans les villes, ou vit désormais plus de la moitié de la population mondiale, fait le lit des maladies chroniques d’origine inflammatoire, qui rendent aussi les citoyens plus vulnérables aux infections virales ».

Autrement dit s’il faut arrêter de détruire la biodiversité des écosystèmes pour ne pas s’exposer à des virus dangereux susceptibles de générer des pandémies, il faut en même temps conserver une biodiversité forte – y compris une diversité microbienne – dans notre vie de tous les jours pour se protéger : « la biodiversité n’est pas un supplément d’âme pour bobos—écolos à vélo, mais le pilier d’une santé planétaire ».

Fidèle à son habitude, Marie Monique Robin est partie en quête d’informations auprès de scientifiques indépendants dans le monde entier, des scientifiques « qui œuvrent pour l’intérêt général et dont la rémunération n’est pas proportionnelle au résultats de leurs études ». Son ouvrage (qui est aussi sorti en film), c’est cette quête qu’elle nous raconte.  

Après un premier chapitre de présentation des microbes « les microbes façonnent le monde » avec Remco Kort qui a créé Artis Micropia, un musée consacré aux microbes, et Marc André Selosse (voir chronique de « jamais seul »), l’auteur nous parle des plus de 100 000 milliards de microbes qui sont présents dans le corps humain et des dégâts faits par la consommation excessive d’antibiotiques sur le microbiome humain.

Elle nous emmène ensuite découvrir les principales études scientifiques qui confortent son analyse. On part d’abord en Carélie cette région de l’Europe du Nord, homogène du point de vue population, mais avec des modes de vie très différents entre la partie finlandaise qui s’est développée à l’occidentale et la partie russe qui est resté longtemps derrière le Rideau de Fer. Les observations ont montré qu’il y avait « une corrélation systématique entre la quantité et la diversité des microbes détectés et le faible taux d’asthme et d’allergies observé sur les personnes exposées ». Ce qui a amené les chercheurs en médecine à passer de « l’hypothèse de l’hygiène à l’hypothèse de la biodiversité ». En effet en comparant le microbiote des enfants russes et finlandais de Carélie les chercheurs ont découvert que, « la disparition de la biodiversité constituait la clé de l’énigme de l’explosion des maladies inflammatoires ». L’élimination systématique des microbes dans les environnements urbains des pays développés a conduit à une augmentation constante des maladies inflammatoires.  Entre les années 1970 et aujourd’hui, la fréquence de l’asthme et des allergies (au pollen ou à certains aliments) est passé de 5% à 35 % de la population dans les pays développés.

Marie Monique Robin nous emmène ensuite voir Erika Von Mutius, pédiatre scientifique passionnée, qui a mis en évidence avec d’autres chercheurs l’« effet de la ferme » dans le cadre d’une étude européenne sur le long terme (20 ans). Une étude dont les résultats allaient à l’encontre de l’hyper hygiénisme. Les enfants élevés dans des fermes et laissés en contact avec les animaux (et donc plus d’exposition microbienne) ont beaucoup moins d’asthme ou d’allergies que les enfants des villes. La principale raison est à chercher dans un microbiote beaucoup plus développé et donc capable de s’adapter et de neutraliser des petites doses de microbes agressifs. Des études analogues ont été réalisées aux Etats Unis avec les populations fermières Amish.

Les vers intestinaux, pourtant vus comme des parasites à éradiquer, ont aussi un rôle protecteur : « les populations des pays tropicaux, qui sont souvent infectées, ne souffrent pas d’allergie » constatent les scientifiques qui analysent la co évolution des vers intestinaux avec les humains dans une coexistence pacifique : « ils modulent le système immunitaire pour éviter d’être expulsés, et ce faisant, ils protègent l’organisme des désordres inflammatoires ».  Cette protection fournis par les vers intestinaux a été une des raisons du beaucoup plus faible impact du COVID 19 en Afrique, ce qui fait dire à l’auteur « la biodiversité protège contre la Covid-19 ».

On retrouve aussi le sujet de la qualité du microbiote intestinal dans le problème de l’obésité. « Il y a une preuve robuste que l’exposition précoce aux antibiotiques conduit à une surcharge pondérale ». Il ne suffit donc pas de bouger plus et manger moins pour perdre du poids… il faut retrouver un microbiote intestinal sain.

Au terme de cette enquête, Marie Monique Robin conclut sur l’ensemble des apports positifs des microbes sur la santé planétaire (santé des écosystèmes, santé des animaux et santé humaine). Ce que Michel Wagner, microbiologiste à l’université de Vienne, traduit simplement – en parlant des microbes : « nous devons absolument prendre soin de nos vieux amis que nous portons en nous toute notre vie et avec qui nous formons un seul et même organisme… pour que nous vivions en bonne santé, il suffit qu’ils aient la plus belle vie possible ».

Un ouvrage passionnant qui devrait « réconcilier les citoyens et les politiques avec les microbes ».